Les bâtiments, échos des civilisations

Par Julien POINT

« A Map of Every Building in America » est une carte publiée par Tim WALLACE, Derek WATKINS and John SCHWARTZ en Octobre 2018 dans The New York Times[1].

La carte monochrome est exempte d’analyse de données : sont affichés uniquement les bâtiments des États-Unis. Seule une fonction de zoom et un géocodeur servent à la navigation. Cette simplicité a pour but de laisser le lecteur observer la carte, sans le guider ou contraindre son analyse. Rien n’est mis en avant, pourtant l’utilisateur, durant son exploration, va découvrir ce que cette donnée spatiale simple peut évoquer chez lui, sur le plan graphique, géologique ou historique.

usa-bigFigure 1 – Cartographie des bâtiments aux États-Unis d’Amérique.

La Figure 1 montre l’ensemble des données disponibles sur l’application cartographique. La réalisation de cette carte a été possible grâce à la mise à disposition sous licence Open Data Commons Open Database License (ODbL) d’un jeu de données élaboré par Microsoft [2]. Le jeu de données contient 125 192 184 emprises de bâtiments dans 50 états des États-Unis, sous forme de polygones [2].

Le fichier des bâtiments a été construit en deux phases :

  • La segmentation d’image aérienne
  • Polygonisation des amas de pixels de bâtiments en polygones.

Le New York Times a ensuite corrigé le jeu de données de Microsoft en le complétant ou en le modifiant avec des données plus précises lorsqu’elles étaient rendues disponibles par les états ou les gouvernements locaux.

Sur la carte à l’échelle nationale (Figure 1), les aplats de couleurs noirs traduisent les zones denses en bâtiments. Basiquement, l’information portée aux yeux du lecteur est complètement binaire : la couleur et noire ou blanche, plein ou le vide. Il alors intéressant de constater comment l’œil parvient à créer des nuages de gris à partir des deux seules couleurs affichées, le noir et le blanc. Ces nuances de gris sont immédiatement associées avec des niveaux de densité.

L’histoire de l’expansion de la nation d’Est en Ouest traduisant les flux post-coloniaux est lisible, ainsi que les liens, les routes, les rivières le long desquelles des constructions se distinguent.

tall-geology-appalachia-bigFigure 2 – Mise en évidence de l’influence du relief sur la distribution des constructions

La Figure 2 permet de voir comment la simple visualisation du tissu urbain illustre l’homme et son mode de vie. On remarque notamment les contraintes auxquelles il doit faire face : il s’installe là où la nature le lui permet, il s’adapte. Voyez comment le paysage géologique se distingue par l’absence de bâtiments.

Il est possible d’appréhender facilement les villes, leurs structures et leurs évolutions. Le style d’implantation des bâtiments montre l’histoire d’une ville, sa culture. À travers les implantations, nous arrivons même à deviner certaines formes urbaines et les typologies de quartiers : le CBD [3], les suburbs typiques des États-Unis, etc.

Figure 3 – Le design de l’implantation

L’étalement urbain est bien représenté, en opposant le « design » des vieux centres-villes avec celui des nouveaux quartiers périphériques. Les motifs permettent de distinguer les niveaux de richesses, parfois très proches les uns des autres.

La Figure 3 montre le « design » des villes, caractérisées par leurs banlieues, leurs rues parfois sans-issues, leurs grands axes reconnaissables par l’absence de données (en opposition totale avec les cartes usuelles qui montrent, avant tout, les routes), les structures en grilles, etc…

Cette application cartographique nous montre qu’une donnée brute peut être très parlante, et qu’une cartographie peut jouer deux rôles bien distincts : guider le lecteur pour qu’il voit précisément ce que l’on souhaite, ou bien lui mettre un outil à disposition pour l’analyse et la réflexion.

Modérateurs : Thomas GUY et Antoine MERCIER

Sources

https://www.nytimes.com/interactive/2018/10/12/us/map-of-every-building-in-the-united-states.html

https://github.com/Microsoft/USBuildingFootprints/

 

[1] Plusieurs auteurs ont globalement contribué à ce projet : Barbara Berasi, Larry Buchanan, Guilbert Gates, Baden Copeland, Monica Davey, Conor Dougherty, Manny Fernandez, Adam Nagourney et Julie Shaver

[2] Notez comment Microsoft s’implique dans l’écosystème OpenStreetMap avec la mise à disposition de ces données. Pour lire d’avantage, suivez le lien vers le GitHub USBuildingFootprints dans les sources.

[3] Central Business District, downtown : quartier d’affaires

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