Par Mathilde ARGOUD
Le développement de la 3D dans le domaine de la géomatique amène de nouveaux secteurs à intégrer l’utilisation des Systèmes d’Informations Géographiques (SIG) dans leur chaine de production. Alors que l’on a tendance à cantonner les SIG à des utilisations pour des projets urbains bien réels, ils permettent en réalité beaucoup plus que cela. La compagnie Disney s’est saisi des opportunités offertes par le logiciel City Engine, développé par ESRI, pour créer des univers fictifs à l’aide des SIG.
L’arrivé des SIG chez Disney s’est fait dans la première moitié des années 2010 avec la création du film d’animation Les Nouveaux Héros. La raison en est simple, ce dessin animé Se déroule dans la ville de San Fransokyo, inspirée de Tokyo et San Francisco. Le plan de San Fransokyo est une copie conforme de San Francisco et emprunte son style architectural et sa modernité à Tokyo. Le logiciel de SIG City Engine développé par la compagnie ESRI, a permis à l’équipe artistique de reprendre le plan géoréférencé de la ville de San Francisco afin d’en modéliser plus rapidement une maquette 3D. Les opportunités offertes par City Engine ont rapidement permis à l’équipe d’accentuer le relief afin de donner plus de rythme à l’espace et ainsi obtenir des vues aériennes plus intéressante pour le spectateur.


Bien que d’autres films de Disney se déroulent également dans de grande ville, tel que Ratatouille qui prend place à Paris, la ville en elle-même importe peu, le décor est souvent celui d’une zone restreinte tel qu’un quartier ou un bâtiment, en l’occurrence un restaurant dans Ratatouille. Par son rapport à l’espace, Les Nouveaux Héros marque un tournant dans les films d’animation Disney. Pour la première fois une ville entière va servir d’environnement au développement d’une intrigue, l’espace occupe finalement un rôle majeur. Les Nouveaux Héros va constituer le terreau permettant le développement des SIG dans le monde de l’animation. Le besoin de recréer un environnement à partir d’un territoire existant va finalement permettre l’ouverture à une utilisation d’espaces entièrement fictifs dans le cadre du design. C’est d’ailleurs là que sera exploité toute la force d’un logiciel tel que City Engine.
Le second grand pari des studios Disney a été d’utiliser cette technologie pour la création de la ville de Zootopie tirée du film du même nom. C’est l’un des films pour lequel l’utilisation de City Engin à été la plus médiatisée, avec entre autre l’intervention de Brandon Jarratt, directeur technique chez Walt Disney, au salon Esri de San Diego en 2017.
Pour réaliser l’environnement de Zootopie les SIG ont été mis à profit dans 3 étapes majeures, à commencer par la création d’une carte combinant chaque biome de l’univers.

Cette carte a ensuite permis de générer des axes de communication et des parcelles en suivant un certain nombre de règles préalablement établies. Elles vont ainsi permettre de définir que le réseau routier du centre-ville doit être rectiligne puis suivre un modèle moins rectiligne en s’éloignant, cela peut également impacter la hauteur des bâtiments de façon à ce qu’ils s’adaptent à la topographie, etc… C’est grâce à ce protocole que la ville de Zootopie semble se développer à l’image des grandes villes occidentales, en suivant le modèle allant du centre financier avec ses multiples gratte-ciels, pour aller vers les banlieues résidentielles parsemées de petits pavillons. Elles font ainsi appel à diverses compétences à la fois de géomaticien mais également des équipes graphiques qui ont préalablement étudié divers territoires pour en retranscrire l’essence à travers cette ville.
Les multiples bâtiments créés par l’équipe artistique ont ensuite été générés dans City Engine, toujours en suivant un certain nombre de critères permettant aux bâtiments d’être répartis sur la carte en fonction de leur taille, les plus petits vers les zones périphériques et les plus imposants dans le centre-ville.

Figure 5 et 6 : Intégrations des bâtiments dans City Egine, Convention ESRI 2017 de San Diego
Un certain nombre de bâtiments ont été créés, mais ils sont tous réutilisé plusieurs fois. C’est leur répartition semi aléatoire sur la carte qui permet à Zootopie d’obtenir un style architectural pour chacun de ses districts tout en donnant l’illusion que chaque bâtiment est unique, ce qui permet d’inhiber totalement l’effet de redondances. City Engine a été un vrai atout pour la création de Zootopie, car il a permis à l’équipe artistique de laisser parler son imagination tout en lui offrant des performances nouvelles pour atteindre un stade inédit de réalisme dans la fiction.

Cette méthode semble avoir été fructueuse car elle a été entièrement reprise pour modéliser la ville dans laquelle se déroule les Indestructible 2. Une fonction supplémentaire a même été employée afin d’effectuer des transitions entre deux districts de manière à ne pas avoir de coupures trop nettes dans la répartition spatiale des types de bâtiment, cela n’était pas nécessaire dans Zootopie du fait des séparations franches entre tous les biomes.



Au vu des nouvelles perspectives offertes par City Egine et le retour plus que positif qu’on reçut ces films d’animation, on peut s’attendre à ce que des projets de cette envergure fassent à l’avenir systématiquement appel aux SIG. C’est notamment ce que laisse penser Disney aujourd’hui en ouvrant des postes et des stages spécifiquement dédiés à des géomaticiens.
Sources :
• The Graphics Technology of Big Hero 6
• Worldbuilding and Storytelling in Big Hero 6
• Deconstructing Big Hero 6: Creating San Fransokyo
• Building the Cities of Incredibles 2 (Pixar / Esri / VES Webinar)
• Disney professional internships
• Esri UC 2017: Walt Disney Animation Studios—Zootopia
Modérateurs : Lucas JEAN-JACQUES et Salomé DE FOVILLE
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