Par Llyodore MIMOUN
1- Rien ce n’est pas rien quand même !
Ch.er.ère.s géographes, géomaticien.ne.s et lecteur.rice.s,
La réalisation de la carte de la semaine est pour moi l’occasion de pouvoir dans un premier temps discuter de nos attentes cartographiques. La carte comme vous le savez si bien, est un document qui permet d’illustrer et valoriser certaines caractéristiques et/ou aménagements présents au sein d’une région ou d’une zone géographique. La représentation est codifiée afin que cette dernière puisse être comprise par le plus grand nombre.
Cependant, lorsque vous réalisez ou concevez des cartes, y ajoutez-vous d’autres éléments afin de « remplir » cette dernière par peur de réaliser une carte « pauvre » ou incomplète? Sur les cartes que vous consultez, avez-vous déjà été amené à vous demander si toutes les informations qui y figurent vous permettent réellement d’enrichir votre lecture et analyse ? Les cartes sont le plus souvent utilisées pour illustrer un élément présent important. Cependant, comment décrire visuellement un élément manquant? La représentation d’éléments absents en cartographie est souvent faite par comparaison : on compare l’entité manquante au sein d’un territoire par rapport à un autre territoire ou cet élément figure.
Ici, j’ai fait le choix de proposer une cartographie qui ne montre rien, et ce sans comparaison avec d’autres espaces. Est-ce que cet encart blanc et vide permet -il de qualifier ma carte d’inutile ? Est-ce que le vide n’est pas en soi déjà, une information sans fioriture? Est-ce que cartographier quelque chose de manquant au sein d’un territoire ne permettrait pas au contraire de proposer une analyse critique et soulever un grand nombre de questions?
Cette idée de cartographie par l’absurde ne vient malheureusement pas de moi. Un atlas du vide à déjà été proposé traitant différents sujets. Le concept étant des plus intéressant, j’ai essayé de reprendre son fonctionnement en réalisant une cartographie sur une thématique qui suscite mon intérêt.
Ici, la carte représente l’ensemble des cours d’eau et rivières du pays. La non représentation d’un fond cartographique est également voulu. Et si vous vous posiez deux minutes pour simplement imaginer l’aménagement du pays, ses potentiels reliefs ? La réflexion personnelle n’est elle pas la meilleure méthodes afin de s’imprégner d’un sujet ?
Sur ce, je vous souhaite une bonne réflexion ainsi qu’une bonne lecture !
2- L’or bleu, un problème de taille

Les Émirats arabes unis (EAU) se situent dans la péninsule arabique entre le golfe Persique et le golfe d’Oman. La totalité du pays est désertique ou semi-désertique. Le pays se compose de deux parties. La première est le Rub al-Khali (considéré comme quart vide). La partie nord du pays est quant à elle occupée par des montagnes. Le pays partage 534 kilomètres de frontières avec l’Arabie saoudite et 450 avec l’Oman (Figure 1). La superficie totale des Émirats arabes unis est de 77 700 km2 (ce qui correspond environ à la taille du Benelux). Le pays totalise 9 701 315 habitants en 2018.
La carte en tête de ce billet présente l’ensemble des cours d’eau et rivières du pays. Cette représentation met en lumière la situation hydrographique actuelle au sein du pays : l’accès en eau pour les habitants est un problème majeur. En plus de précipitations annuelles très faibles (78mm aux AU contre 900mm en France)(1). Ainsi, chaque année, les EAU disposent de 150 millions de m3 d’eau disponible contre 200 milliards en France. Ce pays dispose ainsi de la plus petite quantité d’eau disponible au monde.
L’environnement désertique avec des sols à forte porosité ne permet pas un accès direct à cette ressource : l’eau disponible est contenue dans les nappes phréatiques majoritairement situées au sein du désert entre le nord et le sud du pays.
Les faibles précipitations annuelles et le besoin en eau croissant des Émiratis entraine un assèchement des nappes phréatiques. La ressource prend ainsi un caractère non renouvelable.
D’un point de vue de la consommation, l’industrie métallurgique ainsi que l’agriculture sont les principaux consommateurs : ces deux secteurs, utilisent à eux seuls 80% des réserves en eau potable disponible.

Concernant l’agriculture, les techniques d’irrigation et de culture ne sont pas adaptés à la ressource en eau disponible : la méthode utilisée étant l’inondation en plein champ (Figure 2), les ressources perdues par évaporation sont non négligeables.
3- Un pays dans le besoin pas toujours économe
Pour un usage domestique, les Émiratis consomment 390 litres par jour et par habitant contre 255 pour la moyenne mondiale. Ainsi, leur consommation en eau est environ 26 fois supérieure à la ressource disponible.

Le graphique (figure 3) illustre la situation hydrographique des pays d’Afrique du nord et du Moyen-Orient. Ainsi, pour les EAU, on remarque que la principale source d’alimentation en eau du pays provient de la désalinisation de l’eau de mer. Plus de la moitié de leur consommation est issue de ce traitement. Les EAU représentent 14% de la production mondiale d’eau douce.
On remarque également la mise en place d’un autre moyen d’alimentation. Ce dernier est la récupération et le traitement d’eaux usées. Les eaux usées sont traitées afin de pouvoir être directement réutilisées dans le secteur de l’industrie ou encore de l’agriculture.
La partie renouvelable des eaux souterraines comprend ici le stockage de volumes d’eau désalinisés et réinjectés au sein des nappes phréatiques en prévision de pénuries futures. La qualification de durable ou non durable est ainsi biaisé sur le graphique : cette notion signifie uniquement que la quantité d’eau réintroduite au sein des nappes est environ équivalent à celle extraite.
4- L’impact de la désalinisation de l’eau
Le premier impact de la désalinisation de l’eau de mer est économique. Bien que de nouvelles méthodes sont mises en place tel que l’osmose inversée afin de réduire de façon très importante la quantité d’énergie nécessaire (il faut actuellement 2 kilowattheures pour transformer 1 mètre cube contre 12 kilowattheures il y a 40 ans), ce procédé reste très onéreux.
« Les usines de dessalement sont très gourmandes en électricité, laquelle leur est jusqu’à présent fournie à un prix fortement subventionné. Leur utilisation à grande échelle finit par avoir un impact sur l’économie des pays de la région », explique Bastien Siméon, responsable du secteur eau chez KPMG (Les Echos, 2016) .
D’un point de vue santé, ce procédé ne s’avère pas être si adapté à la consommation des habitants. La désalinisation étant basée sur un processus de distillation de l’eau. Cette dernière consiste à séparer la phase aqueuse H2O des minéraux contenus (dont le sel). Ainsi, le soluté final est un corps pur ne contenant pas de minéraux (une eau déminéralisée). Le manque de minéraux pose également problème quant à la consommation entrainant des carences chez les habitants.
Les retombées économiques et sanitaires ne sont malheureusement pas les seules. Les conséquences environnementales sont également de plus en plus visibles. La désalinisation de l’eau de mer réduit le volume d’eau (contenu par la mer). On se retrouve ainsi avec une même quantité de sels pour un volume plus petit (schéma). Cette forte augmentation de la salinité de l’eau de mer entraine une désertification des milieux aquatiques avec une disparition de la faune et flore marine (BEI ERE)
D’un point de vue politique, la désalinisation pourrait également être source de tensions futures.

On remarque (figure 4) que la majorité des pays de la région s’approvisionnent également en eau au même endroit. Cette situation laisse entrevoir de possibles tensions entre les pays impliqués d’autant plus par les multiples infrastructures réalisés par les autres pays (comme les barrages visant à réguler les fleuves alimentant directement la mer ou encore la surexploitation d’usines de dessalement) . Un conflit d’accès à l’eau pourrait ainsi voir le jour au sein de cette région.
Modérateurs : Cendrine HOARAU et Paul SOULARD
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