Explorer les expéditions de la traite négrière

Par Thomas ANDRÉ

L’histoire et la géographie ont toujours été intimement liées dans l’enseignement en France. Comment alors la géomatique peut participer à ce mariage pour favoriser la discussion ?

Cette carte du commerce triangulaire nous propose un exemple. Dépoussiérons nos livre d’histoire-géographie du collège. Le commerce triangulaire, ou la traite négrière, est la mise en place de l’esclavagisme entre les continents que sont l’Europe, l’Afrique et l’Amérique. Il s’agit du transfert d’esclaves africains pour travailler les terres américaines puis le transport des ressources vers l’Europe, et enfin la fourniture de l’Afrique en produits américains et européens. Ces échanges s’étalent entre la moitié du XVème siècle et le début du XIXème.

Presque 35 000 voyages sur 324 années ont été compilés pour la réalisation de la Trans-Atlantic Slave Trade Database. Ces données ont ensuite été géoréférencées pour pouvoir être intégrées dans la carte de la traite négrière portée par le projet WorldMap.
L’initiative de ce projet, porté par l’université Harvard (Center for Geographic Analysis), est de contextualiser les bases de données spatiotemporelles en permettant l’intégration de nombreuses données annexes. Au sein de ce vaste projet, se retrouve la carte du commerce triangulaire qui fait l’objet de ce billet.

Figure 1 : Carte des voyages durant la traite négrière
Attention : La carte fonctionne avec le plugin Flash d’Adobe, pensez à activer le plugin pour profiter de toutes les fonctionnalités de la carte.

Les premières informations présentées à l’arrivée sur la page d’accueil concernent les ports d’arrivée et de départ des esclaves. Mais la part la plus intéressante de la carte réside dans les trajets effectués par les bateaux, sous l’appellation « Slave Trade Voyages ». Se dessinent alors les flux liant les ports de départ et de destination de chacun des récits de traversée de la base de données.
Se lit alors, derrière le simple trait d’une traversée, un fragment de la réalité historique.

Figure 2 : Lecture des informations de la base de données

Lecture des données d’une traversée : prenons l’exemple de Henry Gayot. Il est arrivé le 8 janvier 1784 au port de La Rochelle avec 44 équipiers. Son navire le Rosalie transportait 577 esclaves, dont 4 sont morts lors de la traversée comme l’illustre la figure 2.

La lecture des données est ici relativement compliquée puisque les champs des données n’ont pas des noms toujours explicites. Mais nous pouvons relever un très grand nombre d’informations disponibles. La particularité de cette donnée est son origine : il s’agit de manuscrits de voyage ou de carnets de bord retranscrits dans une base de données. Chaque expédition a ensuite été géoréférencée avec les problèmes de changements de toponymie et la disparition des ports.

Possibilités

Par rapport à une carte statique, la visualisation proposée permet de choisir entre différentes légendes prédéfinies. On y retrouve une classification selon le siècle de départ, ou selon le pays de destination.
Il est également possible d’effectuer un filtre sur les voyages. Une fenêtre permet de choisir les critères sur lesquelles le filtre s’applique (voir figure 3).

Figure 3 : Paramètres accessibles concernant l’affichage d’une couche

Le projet WorldMap pousse également les utilisateurs à explorer les données. Le projet invite en ce sens chacun à personnaliser la carte en ajoutant des données d’autres sources. Chacun peut ajouter à sa carte des données déjà présentes dans le catalogue ou bien y ajouter son flux de données géoréférencées.

Public visé

Le projet WorldMap vise les domaines de la recherche, de l’enseignement mais aussi le grand public. Il intègre ainsi des données exhaustives à destination du grand public. Cependant, les outils proposés semblent peu adaptés car peu intuitifs. Pour y remédier, l’interface d’affichage mériterait une modernisation pour être plus accueillante et intuitive.

La contextualisation des données

Les données proposées par défaut sur la carte permettent de se représenter les environnements liés à l’esclavagisme. La géographie des cours d’eau permet de s’imaginer comment les bateaux pouvaient rejoindre les villes dans les terres par exemple. De même pour les informations liés aux sociétés humaines ; par exemple les frontières des pays européens et africains par siècle, et les cartes indiquant les ethnies en Afrique.
Les couches proposées à la visualisation et celles que l’on peut ajouter participent ainsi à nous aider dans la visualisation des contextes de voyage.

Un projet contributif

En plus du cadre de la carte présentée ici, le projet WorldMap propose à tout le monde de créer sa carte avec les données présentes dans le catalogues ou ajoutées par l’utilisateur.
Le projet est open source. Il est possible de contribuer au code ou de télécharger une instance de l’application sur le GitHub du projet.

En bref

La représentation d’une base de données spatiotemporelle qu’illustre la carte n’est pas révolutionnaire dans sa représentation. Son intérêt réside dans l’origine diverse des sources qu’elle mobilise et agrège.
Cette carte nous rappelle que les SIG favorisent la synergie de plusieurs disciplines pour mieux comprendre la donnée, peu importe son époque.
Enfin cette carte doit apparaître à nos yeux comme une piqûre de rappel. Nous devons accorder une grande importance à la représentation de la donnée, mais sans oublier l’intérêt intrinsèque de cette dernière. Le géomaticien est garant de la bonne diffusion de la bonne donnée.

Modérateurs : Jérémy Kalsron et Léonie Gonon

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