The World according to a Facebook user

Par Victor Bonnin

À l’heure où les réseaux sociaux prennent une place de plus en plus prépondérante tant par leur utilisation quotidienne que par les services qu’ils offrent, l’auteur Yanko Tsvetkov en propose une critique intéressante. Celle-ci prend forme à travers la mise en place d’une cartographie étonnante : « The World according to a Facebook user » (2015).

Ce document est issu de son site Internet qui reprend les mêmes règles de fabrication que son ouvrage Atlas of Prejudice dont la publication originale date de 2012. Il s’agit de cartes très stéréotypées qui permettent d’attiser la curiosité du lecteur sur une thématique qui fait débat actuellement. Selon les dires de l’auteur, il s’agit d’« armes fiables » contre les fanatiques de toutes sortes lorsque le « raisonnement » devient impossible. Dans tous les cas, celle-ci nous permet d’appréhender une question sociétale de premier ordre à travers l’analyse des impacts des nouvelles technologies.

Cette carte en particulier est construite de manière à placer le lecteur au cœur de l’analyse : on remarque le « Me », véritable entité centrale. En effet, dans l’article qui accompagne l’infographie, l’auteur s’interroge : « Internet nous ramène-t-il lentement au temps où l’humanité se considérait comme le centre de l’Univers ?».

À travers le cas de Facebook, Tsvetkov montre que les utilisateurs sont aujourd’hui sans cesse accompagnés dans leur quotidien par les technologies de l’information et plus particulièrement par des applications qui sont mobilisables depuis un simple smartphone. Celles-ci gèrent leurs contenus et leur montrent, souvent à travers un fil d’actualité, simplement ce qu’ils ont l’habitude, ce qu’ils aiment voir à l’aide d’algorithmes qui analysent le flux des contenus visualisés ou publiés. Par exemple, l’ensemble des « Post » et des « Repost » (ici matérialisés par les îles « New Post City » et « Repost City ») se transforment en une base de données de thèmes qui intéressent l’utilisateur. À contrario, les « Ignorants », les « Amis des amis » sont plus éloignés du centre. En effet, ils influent peu sur les contenus que notre utilisateur principal va être amené à interpréter au quotidien. Encore plus loin, les « exs » et les pages « blacklistées » sont presque ignorées par la personne représentée par le « Me ». Les contenus y afférents sont reconnus comme inappropriés pour l’utilisateur en question. Ils ne seront donc pas soumis car sans intérêt. On remarque aussi la limite entre l’avant et l’après « Tropique des sujets partagés » qui délimite la zone fertile pour l’analyse des profils par les entreprises ou autres entités d’État.

Figure 1 : de gauche à droite : le « Me » : « cerveau » de l’utilisateur, la ville « Repost City » et enfin le « Tropique des sujets partagés » : barrière des informations qui proviennent jusqu’à l’intéressé.

L’enjeu est d’autant plus important que les contenus publiés et donc sans cesse rafraîchis et proposés sont très souvent négatifs voire douteux. Les villes « Bragville », « Protestville » ou encore « Saint Complaint » témoignent du type d’environnement virtuel consulté par les utilisateurs de ces réseaux. Tsvetkov amène à penser que le manque d’autorité, de règles, sur ces plateformes explique ces dérives.

L’ensemble de l’analyse automatique du contenu fait donc évoluer l’utilisateur, jour après jour, dans ce « détroit de la vanité » (« Vanity strait ») qui le cantonne à une « bulle filtrante » (Eli Pariser, 2011) dont l’échelle s’évalue par le nombre de « Like » ou de commentaires. Celle-ci, toujours plus imperméable, martèle une vision du monde pour chaque utilisateur et l’empêche de percevoir et d’analyser la nouveauté et donc d’apprendre de nouvelles choses sur de nouveaux sujets.

Figure 2 : de gauche à droite : le « Vanity Strait » (Détroit de la vanité) et l’échelle de la carte qui se compte en nombre de « J’aime » et de « Commentaires ».

Le blog de Yanko Tsvetkov est très fourni en cartographies satyriques. Mais celle-ci est particulièrement intéressante puisqu’elle met le doigt sur une problématique importante : celle de la personnalisation des contenus. Cette dimension est tout aussi valable pour les cartes ! Et oui, les éditeurs d’applications personnalisent les éléments affichés par défaut en fonction des recherches précédentes, des centres d’intérêt, des personnes contactées, etc. (dont certains critères sont même maintenus secrets !).
            Cette recherche constante de l’adaptation à l’utilisateur personnalise son monde numérique, recherches après recherches, publications après publications, et, mine de rien, favorise l’individualisme de la société. Affaire à suivre…

Pour aller plus loin sur ces notions de personnalisation de la carte : voir cet article ou ce podcast.

Modérateurs : de Foville Salomé et Niogret Pierre

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